OBJECTIFS PEDAGOGIQUES.
- Faire connaître aux femmes fumeuses souhaitant procréer ou enceintes les risques encourus par le fœtus durant la grossesse.
- Faire connaître aux couples de fumeurs les risques à court, moyen et long terme encourus par le nouveau né, l’enfant, l’adolescent soumis à un tabagisme passif
- Faire connaître aux femmes fumeuses les moyens leur permettant un sevrage confortable du tabac avant ou en cours de grossesse.
RAISONS DU CHOIX DU SUJET
La lutte contre le tabagisme fait souvent référence aux nombreuses pathologies liées à cette addiction.
- La dissuasion par la peur est une pratique classique de la prévention mais qui reste en général peu efficace même lorsqu ‘elle montre un risque relatif élevé (RR) d’être concerné par une pathologie donnée.
En effet cette information reste ‘’relative’’ pour le fumeur car elle exprime un risque potentiel, à long terme au sein d’une population donnée. Ainsi cette notion reste le plus souvent une statistique sans valeur dissuasive pour un fumeur donné.
Pourtant les effets pathogènes de la cigarette sur la grossesse et l’enfant sont prouvés par les sciences médicales depuis des décennies, alors pourquoi restent ils sans effet sur 1/3 de femmes fumeuses ? Connaître ces raisons devrait permettre d’améliorer la prévention des risques encourus par la mère et l’enfant.
- La désinformation du consommateur reste un élément essentiel dans l’installation d’une addiction, ainsi dans le cas du fumeur celui ci est sous l’influence d’informations multiples souvent contradictoires fournies tant par les médias, les forums sur le net, que par certains professionnels de santé peu formés ou sensibilisés aux risque du tabac. Il est donc nécessaire de proposer une source de références validées impartiales sur cette drogue et ses effets.
PRINCIPAUX POINTS
L’importance du problème.
Les données épidémiologiques concernant le tabagisme au cours de la grossesse révèlent qu’en 2008 36 % des femmes sont fumeuses en début de grossesse, 22 % en fin et 56 % reprennent le tabagisme après l’accouchement. Actuellement, alors que la consommation de tabac tend à augmenter dans la population féminine, (Baromètre Santé 2010), cette enquête montre que la consommation déclarée par les femmes diminue aussi bien avant la grossesse (30 % qu'au cours de celle-ci : 17,1 % ont fumé au troisième trimestre de leur grossesse .Les femmes s'arrêtent majoritairement de fumer au début de la grossesse : 81 % des fumeuses ayant arrêté de fumer pendant la grossesse l'ont fait au premier trimestre.
Au troisième trimestre la proportion de non fumeuses a largement augmenté : 79,2 % en 2003 et 82,9 % en 2010, tandis que la part des fumeuses de 10 cigarettes quotidiennes ou plus a baissé de 38 % sur la même période passant de 8 % 4,9 %.La consommation de tabac pendant la grossesse représente une évolution favorable étant donné la forte relation entre la quantité de tabac fumé et les anomalies de croissance de l'enfant.
L’objectif principal
Habituellement l’objectif pour réussir le sevrage d’un fumeur (c'est-à-dire un arrêt de l’addiction depuis un an minimum) est de l’amener à changer de comportement. Atteindre ce but nécessite donc une forte motivation du fumeur d’autant que son conditionnement est ancien et que la dépendance pharmaco-logique à la nicotine est forte voisine de celles des drogues dures. Les rechutes seront souvent nombreuses et font partie du processus de sevrage. La prise en charge du fumeur se fait donc dans la durée et ce d’autant que les pathologies secondaires au tabagisme se manifeste à moyen ou long terme.
Au cours de la grossesse des fumeuses la situation est très différente car les risques spécifiques encourus par la mère et son enfant sont à court terme (9 mois), de même la prise de poids liée à la grossesse sera un puissant facteur de maintenir ou reprendre le tabagisme.
Apporter une information validée, montrer la désinformation des consommateurs, expliquer tous les mécanismes de la dépendance à la nicotine et son rôle dans le sevrage peut être efficace pour maintenir l’abstinence de certaines mères fumeuses au moins durant la période de gestation et d’allaitement.
- Faire évoluer les connaissances des femmes fumeuses sur les effets du tabagisme au cours de la grossesse c’est leur démontrer la réalité du tabagisme actif ainsi:
La mesure du Co expiré sur la parturiente permet d’en faire une démonstration simple, et de la renouveler au cours du suivi. En effet, il est classique d’entendre ou de lire l’absence de risque à fumer durant la grossesse 5 cigarettes/J. Pourtant la science, comme les compagnies de tabac ont démontré que la réduction du nombre de cigarettes fumées s’accompagne chez tous les fumeurs réguliers d’une modification inconsciente de la façon de fumer. Elle devient alors (comme lors du passage aux cigarettes dites légères) plus profonde et ou prolongée. Cette’’ adaptation ‘permet au fumeur de maintenir un niveau de nicotinemie ‘’confortable’’ et voisin de celui qu’il avait avant de réduire son tabagisme ou de changer de cigarettes. (Light)
- Faire évoluer les connaissances des femmes fumeuses sur les effets du tabagisme au cours de la grossesse c’est par exemple montrer la réalité du ‘tabagisme passif sur le fœtus. L’étude* montre cet impact au cours de la grossesse évalué sur le niveau du taux de Co expiré par le père (c'est-à-dire du nombre de cigarettes fumées/J ) et rapporté au poids de naissance ou aux anomalies du rythme cardiaque foetal
Prise en charge des fumeuses enceintes.
L'arrêt du tabac doit intervenir le plus tôt possible, de préférence avant et après l’accouchement, à défaut pendant la grossesse. Un arrêt total est recommandé, car la diminution du tabagisme maternel n’est pas suffisante pour prévenir l’apparition de complications maternelles, foetales ou néonatales pendant la grossesse ou au décours de l’accouchement. Cette prise en charge est à insérer dans une prise en charge globale de la femme fumeuse dans le respect de son être et sans jamais la culpabiliser. Les professionnels de santé doivent être formés à la prise en charge du sevrage tabagique chez la femme, en particulier pendant la grossesse et après l’accouchement.
Avant la grossesse.
La meilleure prévention du tabagisme pendant la grossesse est de privilégier les actions de sensibilisation dès l'adolescence dans les milieux scolaires, (CM1) et familial, en s'appuyant sur tous les réseaux associatifs, (CDMRT) les organismes nationaux d'éducation. Tous les rendez-vous santé des adolescent(e) s doivent être l’occasion d’insister sur la notion de’’ Capital santé -Capital environnemental ‘’ en liant ces deux concepts, et en demandant aux enfants de les commenter ou de les dessiner.
Pendant la grossesse.
Toutes les maternités doivent être des espaces strictement non fumeurs.
Un entretien prénatal avec un professionnel de santé, par exemple une sage-femme est à généraliser au premier trimestre de la grossesse. Cet entretien complet doit porter sur l'environnement quotidien de la femme enceinte, insister sur tous les facteurs de risque pendant la grossesse, en particulier sur l’ensemble des conduites addictives et les difficultés qu'elles entraînent pendant la grossesse (envies, pulsions) Il est l’occasion de proposer une solution concrète d’aide à l’arrêt du tabac adaptée à chaque cas. L’existence d’un tabagisme chez la femme enceinte est à noter dans le carnet de maternité.
La réalité de l'intoxication tabagique est à évaluer par le dosage du monoxyde de carbone (CO testeur) dans l'air expiré. Il peut aider à motiver à l’arrêt du tabagisme de la femme enceinte et renforcer leur motivation. Les approches psychologiques et comportementales ont leur place en première intention aux différentes étapes de la prise en charge de la femme enceinte fumeuse. Si celle-ci ne parvient pas à s'arrêter rapidement, seule ou avec l’aide d’une approche psychologique et comportementale, c'est le signe d'une dépendance tabagique importante et le recours au traitement substitutif nicotinique (TSN) peut lui permettre d'arrêter le tabac plus facilement. Le TSN peut être prescrit à tout moment de la prise en charge d'une femme enceinte fumeuse en adaptant la dose de TSN/ 24 H à la quantité de cigarettes qui étaient fumées /J
Au moment de l'accouchement.
- Lors de la prise en charge périnatale il importe, de repérer les femmes qui continuent de fumer jusqu’à l’accouchement et au décours de celui-ci, sans les culpabiliser ; de leur apporter ainsi qu’a à leurs compagnons, si possible au niveau des maternités des lieux de consultation multidisciplinaire d’aide à l'arrêt du tabac. L’accès en sera gratuit. Il est recommandé que le coût financier des TSN soit pris en charge pour les femmes enceintes fumeuses.
- L’inhalation d’oxygène pur au moment de l’accouchement peut ramener la moitié de HbCO (c'est-à-dire l’oxyde de carbone inhalé fixé sur l’hémoglobine de la mère) de 6h à 1h et réduire les risques d’anoxie du fœtus durant le travail. Ce geste préventif peut être indiqué chez les parturientes qui ont fumé durant la mise en route du travail.
Après la naissance.
Les professionnels de santé doivent être convaincus de leur rôle dans
• La promotion de l'allaitement maternel dans tous les cas, y compris chez les mères fumeuses sous TSN
• La valorisation de la capacité de ces femmes à être mères.
• L’information sur les aides à l’arrêt du tabac pour elle, mais aussi pour le père s’il est fumeur ;
• L’initiation encore possible de l'arrêt du tabac chez la jeune mère au décours de l’accouchement, mais aussi chez le père, afin d’éviter l’exposition du nouveau-né au tabagisme passif parentale au domicile.
Prise en charge thérapeutique.
- Les TCC ont leur place en première intention des la fin de l’accouchement pour aider la mère, mais également le père, à l’arrêt du tabac (Techniques Cognitives et Comportementales)
- Le TSN peut être prescrit dans les suites de couches et au cours de l'allaitement maternel en adaptant la dose/ J en fonction du nombre de cigarettes fumées /J et en laissant à la mère le choix de la forme du substitut ou des associations à utiliser.
- Les techniques de relaxation et de respiration diaphragmatique dérivés du Yoga doivent être enseignées ou poursuivies dans les suites de l’accouchement pour aider au sevrage tabagique
- Un suivi régulier du poids et du régime alimentaire sera conseillé durant les 3 mois qui suivront l’accouchement et ce d’autant qu’un sevrage aura été mis en place
Les bénéfices de la suppression du tabagisme passif chez la femme enceinte
Ils sont immédiats après la dernière cigarette :
20 minutes. Normalisation de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque
8 h Augmentation de l’oxygène sanguin, diminution du CO et de la mort in utero
24 h Diminution du risque vasculaire, de décollement du placenta, de métrorragies
48 h Normalisation de la croissance fœtale, amélioration du goût, de l’odorat de l’appétit
72 h Diminution des risques de prématurité et de rupture de membranes, de mort in utero
Les méfaits du tabagisme passif sur le fœtus en fonction du Taux de C0 expiré du père
Taux de CO expiré 0-5 6-10 11-20 > 20 p
Nombre de mesures n= 4990 n = 1248 n = 998 n= 1081
Poids de naissance 3250+/-250 3430 =/-310 3209+/6105 3160+/-210 <0,0001
Rythme cardiaque fœtal (RCF)
RCF durant le travail
RCF anormal (nb et %) 649 (13%) 239 (19%) 259 (26%) 550 (50, 9%) < 0,001
BIBLIOGRAPHIE
*L’étude a été menée en 2008 à partir des forums Internet dédiés à la grossesse et après avoir répertorié pendant huit mois 1.500 messages de femmes enceintes. Une première en France à l’initiative de l’association Droits des Non Fumeurs (DNF) qui conclut que trop de femmes sous-estiment les dangers du tabagisme durant la grossesse.
*Delcroix M. La grossesse et le tabac Paris PUF Que sais je ? N° 3490 4 è édition. 2007 ;126 p
*Delcroix M, Gomez C, Grossesse et tabac : évaluation objective des effets du tabagisme par la mesure du monoxyde de carbone expiré ; résultats de 13.330 mesure lors de l’accouchement La revue de la sage femme. 2006 ;5 :119-124
*Conférence de consensus ; Grossesse et tabac J. Gynecol Obstet Biol ; 2005 ; 34 Hors série N°1 480p
* ANAES Conférence de consensus. Grossesse et Tabac Texte de recommandations version longue 2005 47 p